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Témoignages : ils ont grandi dans une famille homoparentale

Vivre avec deux papas ou deux mamans peut-il perturber l’équilibre de l’enfant ? Nous sommes entrés dans l’intimité de ceux qui ont vécu l’homoparentalité afin de mieux comprendre leur situation.

– Marine, 25 ans « Depuis que mon père est en couple avec un homme, nos relations sont plus fortes » 

J’ai appris que mon père était gay en faisant un rêve prémonitoire
Mes parents ont divorcé lorsque j’avais 15 ans. Je suis restée vivre avec mon père. Quelques temps plus tard, j’ai fait un rêve « prémonitoire » : lui avec un homme. Disons que je devais me douter de quelque chose sans vraiment en être consciente. Je ne l’avais jamais senti heureux en couple avec ma mère ou à la recherche d’une nouvelle femme. J’en ai parlé avec lui : il n’a ni avoué, ni démenti.
Quelques temps plus tard, il m’a annoncé qu’il y avait un homme dans sa vie. Je n’ai pas du tout été choquée, j’ai même été plutôt heureuse. Mon père avait tellement souffert auprès de ma mère. C’est moche à dire, mais je m’étais toujours sentie de son côté, plus proche de lui que de ma maman. Depuis le divorce, et sans doute grâce à sa nouvelle rencontre, il semblait bien plus épanoui. Je n’ai jamais été victime de remarques à ce propos. Ou alors elles me sont passées au-dessus de la tête. Je me fous bien de ce que les gens pensent vis-à-vis de mon père. Je le sens vraiment libre maintenant. Mon père est gay mais bien plus équilibré que beaucoup d’hétéros.
Mon adolescence avec deux papas : j’ai adoré !
Son compagnon est ensuite venu s’installer à la maison, après que mon père m’ait avoué clairement qu’il avait bel et bien quelqu’un. J’avais certes 16 ans à ce moment-là mais je considère avoir été élevée dans une famille homoparentale, car à cette période clé de l’adolescence les parents constituent un vrai repère. Je n’ai que de bons souvenirs. Nous étions déjà très proches avec mon père et une fois qu’il a pu ouvertement vivre avec son compagnon et moi, il se sentait vraiment lui-même. On s’est énormément rapprochés. Je me suis toujours bien entendu avec son conjoint. On parlait beaucoup, il me conseillait sur mes histoires d’ado. J’ai adoré avoir deux papas très ouverts. J’ai été très mature, très vite. Aujourd’hui, je ne vis plus avec mon père et son compagnon mais je garde en souvenir quatre belles années au sein d’une famille homoparentale. J’ai été très bien encadrée.
On allait au cinéma tous les trois, ou au restaurant, et c’était toujours très sympa. Je n’ai jamais eu honte d’être avec deux papas. Un soir, simplement, j’ai ressenti une petite gêne en croisant dans un restaurant une collègue à moi. J’avais 19 ans et j’effectuais un stage en entreprise. Elle travaillait avec moi et était plus vieille. Ironie du sort, elle était avec son amant ce soir-là. Et elle s’est sentie aussi gênée que moi ! Comme quoi, finalement, on peut tous ressentir un malaise vis-à-vis de la relation que l’on vit, simplement parce qu’elle semble hors des clous. Mais finalement, c’est quoi être dans les clous ? Tant que chacun est heureux comme il est !
Mon message ? Il faut que les parents communiquent
Mon cousin quant à lui a toujours vécu avec deux mamans. Je trouve cela tellement étrange : on n’en a jamais parlé lui et moi, alors que l’on a le même âge. Sa mère en a fait quelque chose de tabou, il est totalement bloqué, on lui a interdit d’en parler en quelque sorte. C’est dommage. Je n’ai certes pas son histoire et j’ai grandi plus tardivement dans une famille homoparentale, mais je suis persuadée qu’on peut y être épanoui dès lors que les parents font le nécessaire pour en parler avec les enfants. 

– Manon, 18 ans « J’ai appris beaucoup de choses sur les autres et sur moi-même »

Le départ de mon père a été un vrai choc
Mes parents se sont séparés lorsque j’avais sept ans. Puis ma mère s’est mise en couple avec ma professeure de dessin, qu’elle a rencontrée lorsqu’elle m’emmenait et venait me chercher en cours. Ma mère ne m’a jamais rien dit, je l’ai compris toute seule. Ma professeure venait sans arrêt à la maison et a fini par s’installer chez nous. Je l’ai très mal vécu. Cela signifiait que mon père ne reviendrait pas vivre avec nous.
La présence de cette femme à la maison a été très difficile à vivre. D’abord et sans doute parce que je ne faisais pas le deuil de mon père, ensuite parce qu’elle prenait toute la place. J’ai la sensation que ma mère se concentrait sur sa nouvelle histoire d’amour et nous délaissait totalement ma sœur et moi. Le quotidien est devenu compliqué et mon père me manquait atrocement.
Je me faisais insulter à l’école.
A l’école, j’ai encaissé des remarques difficiles comme : « Ta mère est pas normale, tu vas finir comme elle ». J’ai passé énormément de temps seule. Je vois encore cette cour de récréation. Dans mon souvenir, elle est vide, les gens sont au loin, comme s’ils mettaient une frontière entre nous, pour séparer les schémas familiaux. Les normaux et les « pas normaux ». Ma seule amie était ma sœur. On s’est beaucoup rapprochées pendant ces années-là, comme pour mieux se défendre ensemble.
Côté cœur, quand j’étais en âge de connaître mes premiers flirts, j’avais peur de dire aux garçons que je vivais avec deux mamans. Peur qu’ils me fuient, me rejettent, comme mes camarades l’avaient fait. Je restais du coup dans mon coin, et c’est quand ma mère s’est séparée de sa compagne que j’ai eu la sensation de retrouver une liberté auprès des autres.
Une discussion aurait tout changé mais je n’en veux à personne.
Nous ne parlions pas à notre mère de nos difficultés à l’école avec nos camarades. Nous cherchions à la préserver. On ne voulait pas qu’elle culpabilise. Il me semble qu’elle était heureuse et c’est ce qui m’importe. Je pense que la situation à la maison aurait pu être bien plus saine et agréable s’il y avait eu un dialogue entre ma mère, sa compagne, ma sœur et moi. Si on avait tout déballé. Finalement, la société en a fait quelque chose de tabou, et ma mère a eu peur. Peur de mal faire ou mal dire, peur des jugements. Voilà pourquoi tout m’a paru difficile tandis qu’elle se protégeait. Une discussion aurait tout changé mais je n’en veux à personne. J’ai certes beaucoup encaissé mais j’ai appris beaucoup de choses sur moi-même et sur les autres.

– Alexis 17 ans  : « On est une famille comme les autres »

J’ai changé de vie du jour au lendemain.
J’avais 11 ans, mes parents venaient juste de se séparer. Quelques jours plus tard, j’ai surpris maman et Lucie, une amie de longue date, en train de s’embrasser mais je n’étais sûr de rien. Je n’ai pas tout compris mais je n’ai pas eu le temps de me poser mille questions. Maman et Lucie nous ont réunis rapidement, les cinq enfants, pour nous expliquer ce qu’était l’homosexualité et pour nous dire que nous allions vivre tous ensemble. A part ce baiser dans la cuisine, je n’avais rien vu venir. Maman et Lucie étaient amies depuis très longtemps et je passais beaucoup de temps chez Lucie quand maman travaillait. Je voyais le mari de Lucie et tout semblait se passer parfaitement bien dans leur famille. Je m’entendais déjà très bien avec Camille et Julie, les filles de Lucie, qui sont aujourd’hui devenues mes sœurs.
Chez nous, c’est la maison du bonheur !
Avec Lucie, on a une très bonne relation ! On fait des choses que je ne faisais pas avant. Du bricolage, du jardinage, on s’entend vraiment bien elle et moi. Elle s’occupe de nous comme une vraie maman, comme si elle nous avait connus depuis tous petits. En tout cas, maman et Lucie semblent très heureuses et c’est ce qui compte. Notre famille est équilibrée. Et ce, parce que maman et Lucie ont su nous parler, exposer les choses et nous apprendre qu’on était comme les autres.
Je n’en parle pas autour de moi. Je crois que j’appréhende les réactions, même si au fond je me fiche de ce que les gens peuvent penser. Je suis très bien comme ça. Je crois mener une vie aussi normale que n’importe quel ado de mon âge.
Je suis extrêmement fier de ma maman.
On prétend que le mariage homosexuel perturbe les enfants, mais moi je pense que c’est faux, c’est juste une question d’équilibre. L’essentiel est que l’enfant reçoive de l’amour. Je serais ravi qu’elles puissent se marier ! Ce qui m’a le plus marqué, c’est que ça a été très dur pour ma mère. Elle se posait beaucoup de questions, elle avait peur qu’on ne soit pas heureux. J’ai essayé d’être très présent, pour la soutenir et la rassurer. Je veux vraiment que ma mère sache que si elle a beaucoup douté et eu peur pour nous tous, elle a très bien assuré son rôle de maman, qu’on est fiers d’elle et très heureux comme ça.

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